Un abri

Nous vous avions posé la question suivante : "Dans la religion romaine, les pénates étaient considérés comme des dieux protecteurs du foyer. Et vous, comment protégez-vous votre maison ?"

Vous vous retrouverez sûrement dans l’une ou l’autre des réponses très personnelles parfois qui nous ont été envoyées. Chacun a sa méthode, c’est souvent drôle : "Chez moi, il y a Zabri, mon chat, qui veille sur la terrasse", ou émouvant : "Par un grand cyprès tutélaire, qu’il faudrait couper, mais c’est vraiment difficile de s’y résoudre."

On se garde des voleurs. On se méfie du "mauvais œil". Mais il y a aussi les risques naturels, contre lesquels on ne peut pas toujours lutter : inondation, tremblements de terre… Et l’usure du temps. Dans Le Terrier, une nouvelle de Kafka, le narrateur rêve de sécurité, mais sa "maison" n’est pas parfaite : "Le formidable travail qu’elle m’a coûté n’est pas en rapport avec la sécurité effective qu’elle me procure." Un jour, il entend du bruit… "Espérais-je que ma qualité de propriétaire du terrier allait me donner pouvoir contre cette intrusion ? Hélas ! C’est justement parce que je suis possesseur de ce grand ouvrage si fragile que je me trouve sans défense contre toute attaque un peu sérieuse : le bonheur de le posséder m’a gâté ; la fragilité du terrier m’a rendu fragile et sensible, ses blessures me font mal comme si c’était les miennes."

Votre maison est un endroit auquel vous tenez tout particulièrement, les mots que vous employez pour en parler le prouvent. Je la protège "avec amour", dites-vous, "elle a 350 ans". "Les maisons se ressemblent ou se distinguent les unes des autres comme les corps humains, écrit Marc Augé. Sveltes, élancées, trapues, massives : les adjectifs qui servent à les décrire leur confèrent d’emblée comme aux silhouettes humaines une personnalité, et la tentation est immédiate, quand on se met en tête d’en parler, d’y lire une correspondance avec le corps de ceux qui les habitent." "Je prends soin de mon appartement comme je prends soin de ma personne et de mon apparence", écrivez-vous d’ailleurs. Ses blessures me font mal comme si c’était les miennes…

Pour le lettré chinois Li Yu, mort en 1679, "L’homme ne peut se passer de maison, pas plus que le corps ne peut se passer de vêtement."