Cette vidéo de deux minutes de Leos Carax fonctionne sur le même principe, la prétention en plus (2), une femme nue monte des escaliers, entre dans un appartement et s'adresse au Penseur de Rodin : "J'ai acheté des clopes." Il lui demande : "T'as pas froid ?"
"Les dupes de l'industrie culturelle, avides de ses marchandises, se situent en deçà de l'art ; de ce fait, ils perçoivent son inadaptation au processus de la vie sociale actuelle – mais non sa fausseté – plus clairement que ceux qui se souviennent de ce qu'était jadis une œuvre d'art. Ils poussent à la désesthétisation de l'art (3). La passion de porter atteinte, de ne laisser aucune œuvre d'art exister telle qu'elle est, de l'accommoder, de réduire sa distance vis-à-vis du spectateur, est un symptôme indubitable de cette tendance. La différence humiliante entre l'art et la vie, celle qu'ils vivent, et dans laquelle ils ne veulent pas être dérangés parce qu'ils ne supporteraient pas le dégoût, doit disparaître. Tel est le fondement subjectif qui permet de classer l'art parmi les biens de consommation sous l'influence des vested interests. Si, malgré tout, cet art ne peut devenir simple objet de consommation, on peut entretenir avec lui un rapport analogue à celui qui nous lie aux véritables biens de consommation. La chose est d'autant plus facile qu'à une époque de surproduction, la valeur d'usage de ces biens devient problématique et finit par céder à la jouissance secondaire du prestige, de la mode et même du caractère de marchandise : parodie de l'apparence esthétique. De l'autonomie des œuvres d'art – qui suscite la colère des consommateurs culturels, irrités qu'on puisse les considérer comme meilleurs que ce qu'ils croient être – il ne reste rien d'autre que le fétichisme de la marchandise, régression au fétichisme archaïque de l'origine de l'art. C'est dans cette mesure que l'attitude contemporaine à l'égard de l'art est régressive. Ce que l'on consomme dans les marchandises culturelles, c'est leur être-pour-autrui, alors qu'elles ne sont pas vraiment pour les autres. En étant à leur disposition, elles les trompent. L'ancienne affinité entre contemplateur et contemplé est inversé. En considérant l'œuvre d'art comme un simple fait – attitude caractéristique aujourd'hui – on brade comme marchandise l'élément mimétique, incompatible avec toute essence chosale. Le consommateur peut projeter à son gré ses émotions, ses reliquats mimétiques sur ce qu'on lui présente. Avant l'époque de l'administration généralisée, le sujet qui regardait, écoutait ou lisait une œuvre d'art devait s'oublier lui-même, devenir indifférent à lui-même, disparaître en elle. L'idéal de l'identification ainsi réalisé ne consistait pas à rendre l'œuvre semblable à soi-même mais, au contraire, à se faire semblable à elle. La sublimation esthétique résidait en cette identification."
Notes