L’actualité est traitée comme une fiction, le suspense est organisé au montage (le spectacle de la guerre du Golfe, le débarquement en Somalie). Une grande partie de la vie politique est présentée comme cela. Tout un monde se trouve porté à l’écran, les acteurs réels de la vie politique, les acteurs, au sens technique du terme (vedettes de cinéma et de théâtre) et enfin des êtres "intermédiaires" qui ont pris leur autonomie, les présentateurs. Tous ces gens, qui se côtoient et se connaissent bien souvent, semblent devoir appartenir à un nouvel Olympe. Les Grecs auraient dit : "Serait-ce un dieu ? Ce n’est pas un mortel !"
Nous pourrions ne pas limiter ces aspects à l’image au sens strict, telle qu’elle nous est diffusée par la télévision, mais à un certain rapport que nous avons au monde qui se traduit, par exemple, dans l’organisation de l’espace. De nombreuses voies de communication offrent à voir un spectacle virtuel. Les panneaux sur les autoroutes nous montrent l’esquisse de ce que nous verrions si nous nous arrêtions, hypothèse improbable : "Paysage du Beaujolais" ; "Vézelay colline éternelle." Les lieux du tourisme sont tous aménagés et protégés, même dans les pays qui sont les plus instables. Cette sorte de pseudo-exotisme, plaqué sur le lieu lointain, donne lieu à images puisque ce qui nous attire, c’est ce que nous voyons sur les murs, sur les affiches, à la télévision (un palmier, une ligne d’horizon).
Mais ce rapport imagé au monde n’est pas sans conséquences. Les uns vont visiter les endroits d’où les autres partent parce qu’ils cherchent du travail. Ce double mouvement, des millions de touristes d’un côté et des millions de migrants de l’autre, est particulièrement déroutant, au-delà du fait qu’il est surtout la marque d’une société inégale.