Les images renvoient à une industrie, la grande majorité de la production est américaine, mais les Américains ont aussi ce sentiment d’être colonisés. L’identification d’un sujet colonisateur est donc difficile et nous pouvons nous sentir à la fois victimes et responsables (mauvaise conscience qui habite souvent celui qui est l’objet d’une entreprise de colonisation). Ce double effet de malaise et de mauvaise conscience, de colère et de culpabilité, s’apparente à une sorte d’impuissance dans la résistance.
Les nouvelles technologies nous permettent d’avoir un rapport multiplié avec autrui et présentent les mêmes risques que l’image au sens strict et les mêmes perspectives assez exaltantes. On s’habitue à une relation par écran qui comporte ses propres dangers. Le rapport à autrui devient de plus en plus abstrait (mariage via internet). Le risque d’une individualisation exacerbée du consommateur est bien réel. Le rapport au religieux s’affole complètement. Chacun peut affirmer son individualisation en mettant en avant ses propres superstitions, en suivant n’importe quel chemin. Le message religieux se transforme (messes et confessions sur internet). Après avoir travaillé sur les religions syncrétiques qui naissent de ce heurt des images entre elles, en Afrique et en Amérique latine, on peut se demander si ces technologies ne sont pas un moyen qui favorise la création de bricolages individuels (il suffit de pianoter, de chercher, pour se fabriquer de nouvelles représentations).
Le risque est celui de la désymbolisation dans le sens où la société repose sur un accord minimal sur quelques signes de connaissance, de reconnaissance et de fonctionnement relationnel. Si tout s’individualise dans un rapport aux autres qui est automatiquement transmis par l’image, il n’y a plus de symbolisation. Si l’imaginaire se substitue à tout cela, on peut difficilement éviter le risque d’explosion ou d’implosion. Ma vision n’est pas aussi catastrophiste car je crois que ce n’est pas pensable.