Ces critiques préfèrent le léger au lourd, le chaud au froid, le réalisme et l'incarnation, l'émotion téléguidée. Or, Haneke manque, selon eux, totalement d'empathie. "Seul Jean-Louis Trintignant parvient à émouvoir" selon Libération à nouveau. Et encore, émouvoir "un peu".
Cliché |
Mais "la suggestion incontestable qu'éprouvent tous ceux qui regardent les Gauguin est le produit non d'un miracle de sensibilité, note Pierre Francastel, mais d'un miracle d'art. Ce n'est pas l'émotion de Gauguin qui l'a fait peintre, c'est sa puissance à exprimer, c'est-à-dire à préciser et à matérialiser un certain nombre de détails précis plastiquement ordonnés (2)."
Plutôt que de nous livrer leurs impressions, les critiques seraient bien avisés de s'intéresser à ces signes iconiques et plastiques. Les arguments d'autorité – "c'est sinistre", "c'est grotesque", etc. – ne sont pas des arguments. "Ce qu'ils appellent "objectif", c'est le jour incontesté sous lequel apparaissent les choses, leur empreinte prise telle quelle et non remise en question, la façade des faits classifiés : en somme, ce qui est subjectif. Et ce qu'ils nomment "subjectif", c'est ce qui déjoue ces apparences, qui s'engage dans une expérience spécifique de la chose, se débarrasse des idées reçues la concernant et préfère la relation à l'objet lui-même au lieu de s'en tenir à l'avis de la majorité, de ceux qui ne regardent même pas et a fortiori ne pensent pas ledit objet : en somme, l'objectif", résume très bien Adorno dans Minima Moralia (3).
Déjouer les apparences, c'est ce à quoi Michael Haneke nous invite, en plaçant la critique à un tout autre niveau que tous ces censeurs du dimanche.
Notes