C'était une décision juste

C'était une décision juste. Je ne la regrette pas un seul instant.

Pourquoi Georges Laurent a-t-il aidé sa femme à mourir ? Il le dit à sa petite-fille : "Ton père raconte des bobards, je ne voulais pas parler avec toi. C'est lui qui m'a demandé de le faire. Il dit que tu n'as pas confiance en lui et il se fait du souci. Pourquoi tu as voulu te suicider ? … Je vais te raconter quelque chose. Tu n'as pas connu ta grand-mère, quand tu es venue ici, tu étais toute petite, tu ne peux pas t'en souvenir. Quand tu es venue ici, elle était déjà malade, tu ne l'as jamais vue. Elle était paralysée dans son lit, elle ne dormait plus. Je m'occupais d'elle. J'ai confié la société à ta tante pour en avoir le temps. À la fin, après trois ans de souffrance répugnante et absurde, je l'ai étouffée. C'était une décision juste. Je ne la regrette pas un seul instant."

Amour

Les critiques n'ont pas jugé bon de revenir sur ce passage. Cette scène entre Ève et son grand-père est pourtant au cœur du film. C'est le seul moment où l'on se parle normalement (1).

Le nouvel archevêque de Paris, nommé par le pape le 7 décembre 2017, s'appelle Michel Aupetit. Il tient une chronique sur Radio Notre Dame. Le 29 septembre 2017, celle-ci portait sur l'euthanasie (2).

"Une amie belge m'a écrit : "Vous n'imaginez pas la force meurtrière de l'individualisme au quotidien. La conscience des Belges est endormie. On parle d'euthanasie comme on parlerait d'une tisane à prendre pour bien dormir. Mon pays m'inquiète. Il y fait triste." [Un] prêtre roumain m'a dit aussi son étonnement de voir comment des enfants envisageaient calmement l'euthanasie de leurs parents, ces derniers ayant intégré qu'il leur faudrait partir quand ils deviendraient un poids. Cela me rappelle comment les vétérinaires sur les champs de course achèvent les chevaux qui sont tombés parce qu'ils ne pourront plus rien rapporter à leur propriétaire. Au fond, c'est un peu la même chose que la chanson d'Hugues Aufray, Stewball. Je me suis permis d'actualiser ses paroles pour les mettre au goût du jour puisqu'en Belgique, on n'hésite pas à euthanasier les enfants, au nom de l'humanité bien sûr. Voici ce que ça donne [il chante] : Il s'appelait Théo / C'était un p'tit enfant / Bien malade à nouveau / Il n'avait pas 10 ans / Quand le gentil docteur / D'un seul coup, l'acheva / Je me suis dit dans mon cœur / Y'a quelque chose qui ne va pas (3)."

Laisser entendre que l'on "achève" les enfants en Belgique, et qu'on le fait "sans hésiter", est intellectuellement malhonnête. Selon la loi de 2002 dépénalisant l’euthanasie, le patient doit, au moment de sa demande, se trouver dans une situation médicale sans issue et faire état de souffrance physique et/ou psychique constante, insupportable et inapaisable. En 2014, cette mesure a été élargie aux mineurs (les souffrances psychiques ne sont pas prises en compte pour les mineurs). Ces mineurs doivent "se trouver dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance." La demande doit être faite de manière répétée (4).

"C'est contre les fables que l'on veut m'imposer que je me bats", écrit Anne Bert dans Le tout dernier été.

Notes

1. Quand Thomas Laurent dit à sa fille qu'il l'aime, cela sonne tellement faux qu'il a besoin d'ajouter : "Il faut que tu me crois." Ève finit par lui dire qu'elle a lu ses messages. Et quand il fait mine de ne pas comprendre ("Quels messages ?"), elle lui répond : "Papa, s'il te plaît. Arrête de jouer la comédie." Haneke, qui a le sens de l'humour, a donné à son personnage le nom de "Thomas". "Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : "Nous avons vu le Seigneur !" Mais il leur répondit : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas !" […] Jésus dit à Thomas : "Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi." […] Jésus lui dit : "Parce que tu m'as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru." Évangile selon Saint Jean, 20, 24-29. Selon la TOB, la foi repose désormais non sur la vue, mais sur le témoignage de ceux qui ont vu.
2. Son titre : "On achève bien les chevaux."
3. Dans la chanson d'Hugues Aufray, c'est l'enfant, témoin de la scène, qui a 10 ans ("Et moi, j'avais 10 ans"). La chanson se termine ainsi : "J'ai vu pleurer mon père / Pour la première fois." On peut rapprocher cette chanson du récit d'apprentissage de Steinbeck, The Red Pony.
4. L'euthanasie n'est pas un droit : introduire une demande d'euthanasie ne garantit pas que celle-ci soit pratiquée. Même si toutes les conditions légales sont réunies, le médecin est libre d'accepter ou de refuser de pratiquer une euthanasie.