Pour le sociologue Bernard Lahire, "cet a priori positif sur le tchèque en tant que langue des domestiques ou des ouvriers, bref des dominés qui résistent au dominant et entendent revendiquer leur existence face à la domination de l'empire des Habsbourg-Lorraine, mais aussi en tant que langue des contes et des littératures populaires qui cimentent la communauté, est aussi surdéterminé par la relation conflictuelle qu'il entretient avec son père : aimer la langue des employés de son père, c'est une manière de dire aussi la position dominée qu'il occupe dans le rapport père-fils". (1)
Le jugement que l’on porte sur une langue est avant tout jugement de circonstance : tout dépend de qui la parle et des usages que l’on en fait ici et ailleurs.
Des travaux portant sur la régulation de l’hétérogénéité linguistique en contexte scolaire multiculturel à Bruxelles ont montré que les élèves, "très sensibles aux représentations existantes d’eux-mêmes et d’autrui", comme le jeune Kafka sans doute, associent "des façons de parler, caractérisées par certaines formes prototypiques, à des catégories sociales ou géographiques". Ces formes "empruntent leur sens à la façon de percevoir ces catégories et au contexte d’énonciation, en fonction du degré d’identification avec ces catégories". (2)
Le rapport d’un individu aux langues dépend donc non seulement du poids de celles-ci dans la société (3) mais aussi de ses expériences socialisatrices, sur lesquelles s’appuie dans son ouvrage B. Lahire pour aborder la création littéraire. Pour résumer, on pourrait dire que deux individus évoluant dans le même contexte développeront des rapports différents aux langues ou à leurs variétés, s'ils ont des expériences différentes de socialisation.
Notes