Cette première approche me paraît intéressante au vu de l'évolution de l'enfant qui est amené un jour à devoir briser ce qui résiste, c'est-à-dire l'image de ses parents (surtout si ceux-ci ont particulièrement bien résisté). Cette violence, irréductible, l'emportera toujours car, même dans les périodes les plus extraordinaires, on ne peut pas faire autrement que de casser les belles idoles que l'on a mis tant de soin à construire. L'autre angle est structural. Dans le dispositif visuel, ainsi que dans notre esprit, quelque chose nous pousse à déconstruire l'image ou à la rendre abstraite, c'est-à-dire à en retrouver les lignes afin de jouir de ses harmoniques premières (recherche du nombre d'or, des formules qui font que l'image est fantastique). Les dernières figurations de femme de Matisse sont des lignes, quelquefois un trait.
Ces peintres arrivent à retrouver ce qui fait la "substantifique moelle" des images et à en jouir avant qu'elles ne disparaissent (on ne peut plus faire mieux après, il n'est pas possible d'imiter Matisse). Sans nier le travail de l'image en tant que tel, cela montre que l'esprit humain a besoin de récupérer ce qu'il y a mis, ce qu'il y avait de "divin", puisque c'est ce qui a survécu. Il faut trouver en même temps ce qu'il y avait de si extraordinaire pour surnager à tous mes désirs. En l'intériorisant, on le fait disparaître, comme une bulle que l'on crève.
On repère dans le travail avec les patients cette oscillation entre les moments d'intense visualisation et des moments où il n'y a plus rien. Les patients sont d'ailleurs très perturbés quand il n'y a plus d’images mais ils rejoignent alors des choses essentielles, assez indicibles, qui sont du côté des valeurs qui les font vivre, de ces choses intimes, dont je parlais tout à l'heure. Ce qu'ils ont mis dans ces images que personne d'autre n'a mis correspond à leur désir profond. Après seulement ils peuvent repartir.