Il faut bien sûr distinguer entre le vœu de l’institution et les pratiques réelles. En France, l’institution nous dit qu’il faut enseigner à l’école un français standard qui soit précisément tout autant éloigné de la norme puriste, lettrée, que des pratiques linguistiques des jeunes. Mais sur le terrain, les enseignants peuvent adopter par rapport à cela des postures différentes. Certains d’entre eux préfèrent partir du français réellement parlé par les jeunes pour essayer d’aller ensuite vers le français standard. D’autres choisissent d’imposer directement la norme standard, sans prendre en compte les pratiques réelles, langagières, des élèves. Cela vaut aussi bien pour la France que pour l’étranger parce que ces pratiques sont par définition des pratiques métissées (mélange de langues, de registres, etc.).
L’école a du mal à "prendre en compte" ces pratiques. On ne sait d’ailleurs pas exactement ce que veut dire cette expression "prendre en compte". Est-ce simplement une façon de dire que l’on reconnaît que les élèves ont d’autres pratiques linguistiques que celle que nous cherchons à imposer ou que nous faisons fonctionner à l’intérieur de l’école ? Mais ces pratiques, comment va-t-on les prendre en compte didactiquement ? C’est là la question et elle est autrement plus redoutable. Va-t-on faire de la traduction intralinguale entre différents registres ? On peut tout imaginer… Beaucoup d’enseignants sont d’ailleurs très inventifs par rapport à cette question difficile de la prise en compte des pratiques langagières des élèves.
Dans d’autres contextes francophones, on ne se posera pas la question de la même façon. Les sociolinguistes disent de plus en plus qu’il y a des français constitués en tant que tels dans certaines zones de la francophonie, le français québécois, suisse-roman, de Côte d’Ivoire, etc. Dans ces contextes-là, il est nécessaire de prendre en compte de manière forte ce type de métissage linguistique. Il est difficile d’imaginer, en effet, que l’on ne s’occupe à l’étranger que de la norme du français de France, comme on a pu le dire pendant longtemps. Mais que fait-on ensuite, quand on sait que ces élèves ont ces pratiques ?