Le Mensonge dit gentiment à sa compagne : – Partout où nous nous présenterons, c'est toi qui porteras la parole, car si l'on me reconnaissait, nul ne voudrait nous recevoir. Dans la première maison où ils entrèrent, ce fut la femme du maître qui les accueillit ; le maître arriva à la tombée de la nuit et demanda tout de suite à manger : – Je n'ai encore rien préparé, dit sa femme. Or, à midi, elle avait préparé le déjeuner pour deux et en avait caché la moitié. Bien que son mari n'en sût rien, il entra cependant dans une grande colère, parce qu'il arrivait, très affamé, des champs. Se tournant vers les étrangers, le mari leur demanda : – Pensez-vous que ce soit là le fait d'une bonne ménagère ? Le Mensonge garda prudemment le silence ; mais la Vérité, obligée de répondre, dit avec sincérité qu'une bonne ménagère aurait dû tout préparer pour le retour de son mari. Alors, la femme de l'hôte, violemment irritée contre ces étrangers qui se permettaient de se mêler des affaires de son ménage, les jeta finalement à la porte.
Au deuxième village où ils arrivèrent, le Mensonge et la Vérité trouvèrent les enfants occupés à partager une vache stérile, fort grasse, qui venait d'être abattue. Quand les voyageurs entrèrent chez le chef du village, ils rencontrèrent des enfants qui venaient de remettre au chef la tête et les membres de la vache, en lui disant : – Voici ta part. Or, chacun sait que c'est toujours le chef qui fait les parts dans une distribution de cette nature. Le chef, s'adressant à nos étrangers, qui venaient d assister à tous ces détails, leur demanda : – Qui pensez-vous donc qui commande ici ? – Apparemment, dit la Vérité, ce sont les enfants. À ces mots, le chef se mit dans une terrible fureur et fit immédiatement chasser ces étrangers, si impertinents.
Le Mensonge dit alors à la Vérité : – Vraiment, je ne puis te laisser plus longtemps le soin de nos affaires, car tu nous ferais mourir de faim."
("Le mensonge et la vérité", conte malinké, n° 32)