Au départ, l'idée était de mettre en avant une notion nouvelle pouvant aider à la diversification de l'offre de langues en contexte scolaire. Pour cela, il fallait être réaliste, faire avec ce que l'on avait. Il n'était pas question de rajouter quatre ou cinq heures au programme des écoles. En Europe, l'anglais est choisi massivement, et dans certains pays, une deuxième langue obligatoire est enseignée. On voulait surtout éviter que ne se reproduise ce modèle.
Si l'on veut faire, justement, avec ce que l'on a, il faut valoriser des compétences partielles, valider des objectifs que l’on peut considérer comme peu ambitieux. On s'éloigne ainsi du modèle dominant qui repose sur le mythe du parfait bilingue.
Parler de "compétence plurilingue" revenait à dire, en quelque sorte, que l'on avait affaire à des gens dont les compétences étaient déséquilibrées et évolutives. L'école mettait en place un premier "portefeuille" plurilingue (1), que chacun, ensuite, était libre de gérer, de valoriser. Il n'était pas question de juxtaposer des compétences distinctes : une compétence en langue première, en langue deux, en langue trois, etc. L'idée était de dire qu'il y avait une compétence que l'on pouvait définir comme étant une capacité à gérer un ensemble de ressources langagières, relativement hétérogène, mouvant à bien des égards.
Les individus pouvaient dès lors continuer à avancer dans leurs apprentissages, suivant les circonstances de la vie. On voulait aussi que ces langues ne soient pas cloisonnées les unes par rapport aux autres mais qu'elles puissent donner lieu à traduction dans un sens et dans un autre (résumé d'un texte dans une autre langue, etc.). C’est cela que l’on a essayé de faire passer avec cette notion de compétence plurilingue. Il fallait décrocher de l’idée d’une compétence parfaite venant s’ajouter à une autre compétence supposée parfaite, etc.
Dans un deuxième temps, il nous est apparu que l’argument de la diversification n'était pas suffisant. On a pris conscience que la notion de compétence plurilingue ne devait surtout pas être réservée aux langues apprises à l'école. Il fallait tenir compte de ce qui se passait en dehors de l'école. La compétence plurilingue est constituée par des ressources d'origine diverse n'ayant pas pour l'individu concerné la même valeur en termes de construction de connaissances, en termes affectifs, identitaires, de capacité relationnelle, etc.
Cette notion de compétence plurilingue s’inscrivait dès lors dans un projet éducatif d’ensemble où des questions d’identité, de construction de la personne, se posent (2).
Notes