Rapports de force

Le Conseil de l'Europe a été créé en 1949, un an après l'émergence du Rideau de fer, dans une Europe cloisonnée, un monde qui avait été marqué par la deuxième guerre mondiale. L'idée était de promouvoir des valeurs démocratiques, d'intercompréhension, de coopération. Après 1989, ces valeurs d'origine ont été réactivées. Mais la situation s'était aussi complexifiée.
Le dialogue interculturel
 
"Notre environnement culturel est de plus en plus diversifié, ce qui pose de nouveaux problèmes sociaux et politiques car cette diversité engendre souvent l’intolérance, les stéréotypes, le racisme, la xénophobie, la discrimination et la violence. Le dialogue interculturel a un rôle important à jouer s’agissant de prévenir les divisions ethniques, religieuses, linguistiques et culturelles et de nous permettre d’assumer nos identités différentes de manière constructive et démocratique. Il sert d’outil pour combattre l’intolérance et favoriser la compréhension mutuelle de nos valeurs et de nos modes de pensée.
 
Le Conseil de l'Europe a fait du dialogue interreligieux et interculturel une priorité afin d’assurer une meilleure compréhension entre les cultures, la cohésion sociale et la stabilité. En mai 2008, il a adopté un Livre blanc sur le dialogue interculturel qui met à la disposition des responsables politiques et de la société civile un cadre conceptuel et des lignes directrices pour promouvoir le dialogue interculturel."
 
Source : Site du Conseil de l’Europe

Les dimensions culturelles mais aussi ethniques ont été mises en avant, de même que la notion de dialogue interreligeux. Cela s'est fait pour des raisons qui tiennent en grande partie au contexte (guerre dans les Balkans, 11 Septembre, etc.). Il fallait montrer que le Conseil européen jouait sur ces différents tableaux. Il est d'ailleurs significatif que les langues en fassent partie. On l’a vu dans des conflits intraeuropéens, la relation entre le culturel, le linguistique, l'identitaire et le religieux est souvent très fortement nouée.

"Les plurilinguismes ne sont pas toujours heureux,
vécus sur le mode de la plénitude."

Le terme de dialogue me paraît un peu trop euphémisant, neutralisant. Très souvent, et cela nous ramène à ces questions de plurilinguismes multiples, ça n’est pas du dialogue mais de la tension, du conflit, du rapport de force, aussi bien au niveau des communautés, qu’au niveau intraindividuel. Les plurilinguismes ne sont pas toujours heureux, vécus sur le mode de la plénitude. Ils peuvent aussi donner lieu à des tensions internes. Toutes ces questions de coopération, de tolérance, de volonté de bienfaisance sont nécessaires à un certain niveau, c’est un message qu’il faut faire passer, mais, en même temps, il faut toujours se rappeler qu’il y a derrière des rapports de force. Louis-Jean Calvet parle de "guerre des langues", de "marché des langues". Il ne s’agit pas de rapports uniquement dialogiques, ou alors, c’est du dialogue qui peut tourner mal dans bien des cas.

Il faut réglementer dans la mesure où il est possible de le faire. Pour le reste, c’est une affaire de recommandations, de proclamations communes. La Charte des langues régionales et minoritaires (1), par exemple, est en plein dans ces questions de plurilinguisme et de multilinguisme. Les pays qui l’acceptent, qui la signent, qui la ratifient, prennent un certain nombre d'engagements quant à ce qu’ils vont faire en matière de protection des minorités, d’affichage dans les services publics, etc. Il y a des visites régulières, des rapports, mais l'on se doit de respecter le principe de subsidiarité des États (2).

Notes

1. La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été initiée en 1992. Certains pays, membres de Conseil de l'Europe, comme la France, ne l'ont pas ratifiée. Pour en savoir plus.
2. Les niveaux d'autonomie régionale sont extrêmement variables d'un contexte à un autre, comme cela est apparu avec l'ouverture de l'Europe. Tout ce qui vient d'un lieu international ou supranational peut donner lieu à déclinaisons diverses à l'intérieur d'une même entité nationale.