Résistances

La fascination exercée par l'image provient de ce qu'elle résiste, émerge à ce jeu de massacre. Notre image intérieure est formée de ce qui a résisté à ce que j'appelais tout à l'heure le "mitraillage". Si l'image de la mère a tellement d'importance pour l'enfant, c’est parce qu'il se dit qu'il a beau tirer dessus, elle est toujours là, d'où le traumatisme, d'ailleurs, quand elle ne revient pas.

Dans un premier temps, les choses qui résistent vont apparaître comme des images extraordinaires. L'image naît de l'idéalisation, processus qui est tout à fait typique de l'inconscient. Je découvre à un moment que ce quelque chose qui résiste est une entité en soi. Je vais pouvoir m'appuyer sur ce quelque chose, qui existe en dehors de moi, qui arrive à ressusciter de tout ce processus destructif et qui me renvoie à des objets. On pourrait aller très loin dans la description de ce renvoi. La fascination de l'image vient de ce qui résiste à ma destructivité et qui me permet de trouver un appui pour me situer dans l'univers. Au fur et à mesure que l'enfant construit l'univers, il résiste, grâce à ces images, à ces poussées destructrices. Les images de la mère, du père, des grands-parents, celles de la maison, vont être enrichies d'un quantum d'expériences plus ou moins grand selon les individus. Elles vont représenter pour lui des choses fantastiques, il va les enrichir progressivement jusqu’à sa maturité. Au départ, pourtant, il y a cette potentialité-là.

Ainsi rejoint-on les icônes. Je peux m'appuyer sur ce qui va au-delà de la mort (les divinités, les ancêtres), sur ce qui transcende la violence qui m'habite et qui représente l'univers m'entourant pour fonder mon expérience. La fascination exercée par les images a à voir avec la négation de la mort. On s'entoure depuis toujours d'images dont on ne veut pas connaître l'origine (sauf bien sûr dans certaines expériences extrêmes). Ce rideau d'images dans lequel on est enveloppé nous permet de vivre avec une impression d'immortalité. Il s’agit toujours d'un rapport au désir qui est très violent, très destructeur. L'image vient à la fois donner prise à ce désir et le rassurer en même temps. Cette dialectique de l'image du désir de mort nous permet de comprendre tout ce qui se passe au niveau de l'image.

Les tout premiers fantasmes de l'enfant ont été décrits par Freud. Avec des images de mère et de père qui résistent, l'enfant peut faire des "parents combinés" et répondre à la question de l'origine, savoir d'où il vient. Il se sert de toutes les constructions qui ont échappé à sa violence pour porter un éclairage sur tous les mystères, dont celui de la scène primitive qui reste une des images fondamentales (Mélanie Klein a beaucoup insisté, à juste raison, là-dessus). Notre attirance pour les images sexuelles est en grande partie liée à cela. On veut savoir quel était le point de départ.