Quelle didactique ?

Peut-on construire une didactique toute entière sur ces problèmes de gestion de la variété linguistique ?

Je crois tout à fait à la didactique que l’on appelle aujourd’hui "convergente" ou "intégrée". Mais celle-ci se fait en général à partir de langues constituées, quand la question est de savoir s’il peut y avoir une didactique convergente du créole ou du français dans la zone créolophone ou de l’arabe et du français dans les pays de la zone méditerranéenne ou du Moyen-Orient. Dans la didactique convergente ou intégrée, y compris dans les contextes africains, on a des langues qui fonctionnent ensemble à des degrés différents dans le système éducatif.

"On ne peut exclure de la classe ces pratiques linguistiques,
mais faut-il "partir" de la langue des élèves ?"

La question ici est différente : en quoi le système éducatif qui est fondé sur la norme du français standard de France va-t-il se trouver affecté par les pratiques linguistiques complexes et métissées avec lesquelles les élèves arrivent ? Ce problème se pose d’ailleurs aussi en France depuis longtemps. Que faire avec la langue des "banlieues", des "cités", des "quartiers" – quelle que soit la dénomination que l’on adopte ? Avec tous les métissages linguistiques qu’elle suppose ? Je ne pense pas que l’on puisse exclure de la classe ces pratiques linguistiques en tant que telles surtout quand ce n’est pas seulement une mode ou un jeu mais qu’elles reflètent des processus identitaires des jeunes. En même temps, ne pas l’exclure ne veut pas dire en faire le but de l’enseignement ou s’y référer de manière systématique. Je ne pense pas que cela soit l’objet ou le but du travail en classe.

Je ne pense pas non plus qu’il faille "partir" de cette langue des élèves. Dans le travail pédagogique, il ne faut pas en effet être trop débordé par l’offre, l’exposition. Vous imaginez si l’on devait prendre en compte la "parlure" de chaque élève à l’intérieur d’une classe multilingue, multiethnique… On y passerait l’année ! En s’étant fixé quels objectifs ? Il faut donc adopter une position modérée. On ne peut quand même pas faire comme en France au XIXe siècle, taper sur la tête des élèves, leur donner des coups de règles ou les exclure de la classe parce qu’ils avaient prononcé un mot de travers, en patois ou en breton…