Le mythe du parfait bilingue

Edward Said maîtrise aussi bien l'anglais que l'arabe : "Arabic, my native language, and English, my school language, were inextricably mixed: I have never known which was my first language, and have felt fully at home in neither, al-though I dream in both. Every time I speak an English sentence, I find myself echoing it in Arabic, and vice versa." (1)

George Steiner a lui aussi reçu une éducation plurilingue : "Je me souviens de ma mère qui commençait ses phrases dans une langue et les finissait dans une autre, sans même s’en apercevoir. Enfant, j’ai subi des tests absurdes pour déterminer quelle était ma première langue, mais cela n’a pas marché, jamais aucune n’a pris le dessus. Quand je suis en Allemagne, je rêve en allemand, en Angleterre, en anglais, etc." (2)

Pour Daniel Coste, il faut s'éloigner à l'école de ce modèle dominant qui repose sur le mythe du parfait bilingue. Chacun a des compétences langagières "déséquilibrées" et "évolutives" ; il faut "valoriser ces compétences partielles". (3)

Notes

1. "Between Worlds. Edward Said makes sense of his life", London Review of Books, Vol. 20, n° 9, mai 1998.
2. Entretien, Philosophie Magazine, juillet-août 2009.
3. "Ce que l'on attend des langues", Daniel Coste, Franc-parler, juillet 2010. George Steiner écrit : "Languages codify immemorial reflexes and twists of feeling, remembrances of action that transcend individual recall, contours of communal experience as subtly decisive as the contours of sky and land in which a civilization ripens. An outsider can master a language as a rider masters his mount; he rarely becomes as one with its undefined, subterranean motion." (Language and Silence, Yale University Press, 1998, p. 125)