La même chose… ou presque

Les apôtres furent tous remplis d’Esprit Saint et ils se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer. […] chacun les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : "Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?" (1)

Dans son ouvrage La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture, Olivier Roy revient sur le "parler en langues" (glossolalie) des pentecôtistes. Le pentecôtisme est littéraliste : "Il ne met pas en doute la véracité de la lettre des écritures, mais il ne s’intéresse pas à la langue réelle du texte, ni d’ailleurs à aucune langue spécifique. Or le texte biblique, on s’en doute, pose problème : écrit en hébreu, en araméen ou en grec, il pose des problèmes de traduction, d’environnement culturel de la langue de l’époque, car, on le sait, il n’y a pas de langue neutre : toute langue renvoie à un contexte culturel complexe, toute langue a une histoire." (2)

L’apprentissage des langues, dans leur contexte et leur histoire, est un bon moyen de se garder de cette "sainte ignorance". On peut suivre alors l’exemple d’Umberto Eco et chercher, en passant d’une langue à l’autre, à dire la même chose… ou presque. (3)

Notes

1. ""Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.” Ils étaient tous déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres : “Qu’est-ce que cela veut dire ?” D’autres s’esclaffaient : “Ils sont pleins de vin doux.”" Les Actes des apôtres, 2, TOB.
2. Spm. Olivier Roy ajoute : "On transmet de l’émotion, on suscite en autrui la même expérience religieuse que l’on éprouve soi-même, mais on contourne tout ce qui est savoir discursif, car il s’agit d’une perte de temps et d’un risque d’égarement dans la vanité séculière." La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture, Seuil, 2008, p. 25 et 190.
3. Umberto Eco, Dire presque la même chose. Expériences de traduction, Grasset, 2006.