La civilisation du spectacle

"La pure survie est-elle le seul but qui justifie la vie ?", écrit Mario Vargas Llosa dans La Civilisation du spectacle (1).

Question légitime quand on pense, comme T.S. Eliot, que la culture est ce qui "soutient la connaissance, l'oriente et lui imprime une fonctionnalité précise, quelque chose comme un dessein moral" (2). Question qui taraude aujourd'hui des écrivains comme Boualem Sansal (2084) ou J.M. Coetzee (The Childhood of Jesus).

"It's a long way yet to Estrellita. / But what are we going to do there? / We are going to find the Relocation Centre and we are going to present ourselves at the desk. Good morning, we are new arrivals, and we are looking for somewhere to stay. / And? / That's all. Looking for somewhere to stay, to start our new life." Ainsi s'achève The Childhood of Jesus. Comment interpréter ces dernières lignes ?

Quand l'air se raréfie, il n'est peut-être pas inutile, comme le fait Vargas Llosa, de se référer à quelques grandes figures du passé, Walter Benjamin, Karl Popper. Ce dernier n'a-t-il pas écrit dans les années quarante La société ouverte et ses ennemis ? – ces mêmes ennemis qui s'apprêtent à faire "sauter la maison où nous nous croyions à l'abri" (3) et qui sapent la notion même de "société ouverte".

Le 25 septembre 1940, Walter Benjamin note simplement : "Dans une situation sans issue, je n'ai d'autre choix que d'en finir. C'est dans un petit village dans les Pyrénées où personne ne me connaît que ma vie va s'achever."

Notes

1. Gallimard, 2015.
2. Or, aujourd'hui, relève Vargas Llosa, "nous sommes tous cultivés de quelque manière, même sans avoir jamais lu un livre, visité une exposition de peinture, écouté un concert, ou acquis quelques notions de sciences humaines, sciences et technologies du monde où nous vivons". Sur le "culte de la culture", lire ici.
3. "Avertissement : Le monde de Bigaye que je décris dans ces pages n'existe pas et n'a aucune raison d'exister à l'avenir, tout comme le monde de Big Brother imaginé par maître Orwell, et si merveilleusement conté dans son livre blanc 1984, n'existait pas en son temps, n'existe pas dans le nôtre et n'a réellement aucune raison d'exister dans le futur. Dormez tranquilles, bonnes gens, tout est parfaitement faux et le reste est sous contrôle." (2084)