Images/Conventions

Cependant, même ces images-là sont codées, composées et obéissent à des règles de représentation visuelle, que nous connaissons souvent, que nous ignorons parfois.

On peut y reconnaître des règles de représentations visuelles, liées à une culture et à une histoire, comme dans les images fabriquées. Une image étant, en effet, toujours une image pour autrui, elle va utiliser toute une gamme de nuances entre expression et communication, entre exhibition des outils utilisés et leur masquage, selon le projet que l’on a.

La représentation visuelle, même enregistrée, obéit donc à des règles que nous ne pouvons bien comprendre que si nous les reconnaissons même implicitement. Au pédagogue alors d’y sensibiliser les élèves en lui rappelant déjà par exemple que les matériaux mêmes qu’utilise l’image peuvent être multiples, hétérogènes et porteurs de sens. Indépendamment de l’observation des supports (toile, pellicule, bande magnétique, support électronique) on peut retrouver ensuite, de manière récurrente et dosés de façon variable, des outils plastiques, des outils dits iconiques et des outils linguistiques. Tous ces outils obéissent eux-mêmes à des règles d’utilisation et d’interprétation plus ou moins fortes.

Ainsi, l’interprétation des outils plastiques tels que les couleurs, les formes, la composition ou la texture est essentiellement anthropologique, c’est-à-dire qu’elle renvoie à des usages socioculturellement codés (le noir, le deuil ; le rouge, la majesté ; etc.) comme à des expériences fondatrices et universelles (le rouge, le sang, le feu ; le bleu du ciel ; le vert des frondaisons ; etc.). Il en est de même pour l’interprétation des formes courbes ou rectilignes, ouvertes ou fermées ; des compositions horizontales ou verticales, circulaires ou triangulaires.

La reconnaissance des signes dits iconiques, c’est-à-dire figuratifs, de formes sur des fonds, de motifs tels que des visages, des lieux ou des objets, sont le résultat d’un processus élaboré de transformation auquel nous sommes familiers, plus que d’une conformité entre le motif et son modèle. Leur interprétation se fera à partir de ce que le spectateur sait des postures, de la gestion de l’espace (la scénographie), de l’intime au public, de l’utilisation des vêtements et des objets, bref de tous les codes socioculturels représentés. Enfin, l’interprétation des outils linguistiques qui composent l’image, au titre de légende ou de commentaire, obéiront aux règles d’interprétation du langage et interagira avec les autres niveaux, plastique et iconique, de l’image.

On comprendra alors que ce que l’on appelle "image" correspond plus justement à la notion de message visuel, composé de signes hétérogènes, plastiques, iconiques et linguistiques. Tissu mêlé de différents types de signes, l’image nous parle alors "secrètement". C’est la tâche de la sémiologie d’aider à comprendre comment s’élabore ce discours secret, implicite et de vérifier son acceptabilité collective. C’est la tâche de la sémiologie de revendiquer le caractère de signe et d’ensemble de signes des images et de leur restituer ainsi leur capacité de discours et de langage.

En effet, dénier à l’image son caractère de signe, même complexe et ambigu, c’est lui dénier sa capacité de tenir un discours relatif et orienté sur le réel. C’est lui dénier son caractère séparé de langage spécifique, c’est suturer son caractère spectaculaire et, ce faisant, refuser la responsabilité interprétative du spectateur. Or, c’est cette responsabilité même que peut restituer l’approche sémiologique, proposant aux spectateurs d’abandonner la peur de manipulation pour comprendre l’approche critique comme la prise de conscience de sa propre attente et donc de sa propre pratique des images.

Martine Joly
Université Michel-de-Montaigne-Bordeaux III