Un épisode de la série s'intitule même "La chute". Lors d'un débat diffusé en direct sur TV1, Birgitte Nyborg craque. On lui pose une question à laquelle elle ne sait pas répondre précisément. La caméra s'attarde sur son visage. Cette scène d'humiliation a sans doute son pendant dans la vie du spectateur. En lui montrant cette scène, on le venge en quelque sorte des humiliations qu'il aura eu à subir lui-même, dans son enfance, à l'école, au bureau (1).
Mais on ne peut pas non plus faire passer le spectateur pour plus sadique qu'il ne l'est. C'est la raison pour laquelle on lui montre cette scène pour mieux la condamner. Le procédé est connu. On flatte le spectateur en lui renvoyant une bonne image de lui-même. On lui laisse entendre qu'il aurait agi différemment s'il avait été à la place du réalisateur de TV1 (2). Le pense-t-il vraiment ?
Dans l'un des épisodes de la série The Hour (3), on assiste à la même scène. Seul le contexte historique change. Le présentateur de l'émission, Hector Madden, interroge un invité, Lawrence Stern. Celui-ci est mis en difficulté. Le directeur de l'information, Randall Brown, intervient en régie : "Resserrez sur Stern." La productrice de l'émission, Bel Rowley, ordonne au cadreur : "Caméra 2. Plan rapproché."
"L'Exercice de l'État repose en partie sur cette sensation, si plaisante pour le spectateur, d'accéder enfin à une réalité qui lui échappe. On entend les négociations entre ministre et préfet, on découvre que la logistique d'un de ces déplacements qui occupent nos journaux est aussi une petite comédie, où chaque réplique, chaque mise en scène se négocie âprement", s'enthousiasme Le Monde (4). Dans Borgen, et dans la plupart des séries, le spectateur est placé de la même façon au centre du dispositif. Mais qu'apprend-il qu'il ne sache déjà ?
Et ces séries changent-elles notre façon de voir ?
Notes