"Je m’appelle Anne Bert, j’ai 59 ans et suis atteinte depuis deux ans de la sclérose latérale amyotrophique, dite aussi maladie de Charcot ou SLA. Maladie neuro-dégénérative incurable et mortelle à très brève échéance, qui emmure dans son corps et paralyse progressivement tous les muscles jusqu’à l’asphyxie et la mort. La France nous interdit, en phase terminale ou face à l’inguérissable et aux souffrances insupportables, de bénéficier du droit à choisir l’euthanasie ou le suicide assisté, elle a préféré l’hypocrisie de la loi Leonetti qui ne garantie même pas le respect de nos directives.
Pour ma part, j’ai biaisé la violence de l’injonction de souffrir ce que l’on m'impose dans notre pays. C’est hors frontières et en femme libre jusqu’au geste létal et légal, qu’il sera mit un terme à l’horreur et aux tortures physiques et morales de mon emprisonnement, avec l’aide de médecins volontaires et humanistes. Ce choix si difficile rendu possible apaise mes derniers mois à vivre durant lesquels je n’ai cessé d’interpeller le gouvernement et les responsables politiques.
Ma vie s’achève, alors, pour clore ma contribution à cette lutte, avec la certitude que la littérature interroge et construit nos sociétés, j’ai tenu à écrire un livre intitulé Le Tout Dernier Été, pour dire autrement, sous le prisme du goût de la vie, comment je me suis réappropriée ma vision de la mort, bien au-delà du tabou de la fin de vie.
La ministre de la Santé m’a confirmé qu’elle ne veut pas rouvrir le débat sur le droit à choisir l’euthanasie en cas de maladie incurable ou en phase terminale. Lorsque ceux qui gouvernent la France ou exercent un pouvoir, nient la réalité sur une question fondamentale de la vie, alors les Français doivent œuvrer pour se faire entendre.
Je m’adresse donc à vous, citoyens libres d’une France démocratique laïque, je suis sûre que vous prendrez le relais de ce combat pour qu’advienne cette loi française qui doit garantir à tous la liberté de choisir en son âme et conscience les soins palliatifs ou l’aide active à mourir.
Nous sommes tous concernés par la fin de vie et la mort, parfois beaucoup trop tôt. Penser la mort ne fait pas mourir, elle est inscrite dans notre existence. En faire un tabou nous soumet à la tutelle de la loi Leonetti et à celle du corps médical, qui nous trompent puisque même la sédation profonde et continue peut nous être refusée malgré nos directives et la désignation d’une personne de confiance.
Vous êtes plus de 90 % à vous déclarer favorables au droit de choisir une aide active à mourir, dans un cadre strictement contrôlé. Près de 200 000 d’entre vous ont signé les pétitions mises en ligne depuis peu. Ce qui ne veut pas dire que vous aurez tous recours à l’euthanasie en fin de vie, vous réclamez simplement de pouvoir opter – lorsqu’il n’y a plus d’espoir de guérison – soit pour des soins palliatifs absolument conformes à vos directives, soit pour une aide active à mourir. Ce droit est basé sur les valeurs de la laïcité, comme il existe en Belgique depuis 2002. Il ne nuit pas à la liberté des croyants de toutes confessions, qui peuvent choisir de vivre leur agonie jusqu’au bout.
Alors dites-le. Autour de vous, chez votre médecin, sur les réseaux sociaux et dans la rue s’il le faut pour y contrer une minorité obscurantiste, bruyante, qui se veut dominante. Réveillez les consciences sourdes ou endormies de nos dirigeants puisqu’ils vous confisquent le débat public sur cette évolution sociétale à disposer de vous-même jusqu’à votre mort.
N’acceptez plus que ceux qui sont aux responsabilités, cachés derrière la loi Léonetti, vous assènent sans vergogne et de concert avec certains médecins, sociologues et philosophes, des contrevérités au sujet de l’euthanasie. Ils tronquent la réalité, alimentent de leurs fantasmes la peur de légiférer sur le droit de choisir une aide médicale active.
Refusez le joug religieux qui entend soumette tous les français à la crainte de la loi de dieu, n’acceptez pas plus que des médecins refusent de vous rendre le pouvoir qu’ils détiennent sur la fin de votre existence.
Forte de mon expérience de fin de vie en France et de mon choix de trouver une terre plus hospitalière, je déjoue les arguments fallacieux et les fantasmes serinés un peu partout.
Non, la loi française n’assure pas au malade son autodétermination et elle n’est pas garante d’équité. Chaque équipe médicale agit, in fine, selon ses propres convictions et non selon les vôtres.
Non, la sédation profonde et censée être continue ne l’est pas, car fréquemment le médecin réveille l’agonisant pour lui redemander s’il persiste dans son choix, ce qui est contraire à la loi Leonetti.
Non, l’euthanasie ne relève pas de l’eugénisme, ce sont les Allemands nazis qui en ont fait en temps de guerre leur instrument diabolique et ont dénaturé ce mot grec.
Non, la loi belge n’oblige pas le corps médical à la pratiquer et ce ne sont jamais les médecins belges qui décident d’euthanasier leurs patients. Seul le patient peut exprimer ce choix et doit trouver le docteur qui l’acceptera.
Non, la loi belge sur l’euthanasie n’a pas encouragé les spoliations d’héritage ni la liquidation des personnes âgées. Elle n’est pas non plus une solution d’ordre économique.
Non, elle n’a pas encouragé les malades à choisir cette porte de sortie – qui n’est jamais facilité – puisque seuls 2 % des malades en fin de vie la choisissent.
Non, elle n’a pas non plus favorisé une multitude de dérives. Bien au contraire, la loi belge a balisé strictement l’aide active à mourir alors que près de 2 000 actes d’euthanasie clandestine – donc de facto criminels – sont pratiqués en France sans aucun contrôle, de façon notoire.
Non, le procédé létal n’est pas violent.
Non, le droit à l’euthanasie ne s’oppose pas aux soins palliatifs.
Et enfin non, je ne suis pas un cas particulier et exceptionnel. Légiférer sur l’euthanasie n’est pas répondre à l’individuel, mais bien à une volonté collective de pouvoir choisir en son âme et conscience ce que l’on veut faire des derniers instants de sa vie.
Les médecins français et quelques psychologues messianiques ne sont pas plus experts que leurs malades. Personne n’est plus à même que le malade incurable de décider de sa mort.
Nos gouvernants affirment ne pas entendre notre volonté à légiférer sur le droit à choisir une aide active à mourir ?
Exigez, sans attendre, un débat public. Et en attendant cette loi qui se fera, Rédigez tous vos directives anticipées dès maintenant en stipulant que vous réclamez ce droit en cas de souffrances inguérissables."
Anne Bert