Aussi peut-on représenter le temps qui passe et la brièveté de l’existence, de l'existence même de l’artiste, qui lutte contre la montre – "À cette œuvre, il est temps de me mettre", s’exclame Marcel, alors que s'achève La Recherche du temps perdu. Mais il ne suffit pas pour cela de le dire (2) ou de plonger un corps dans un bac de formol.
"Nous avons tendance à oublier le saut prodigieux dans l'inconnu que Gauguin a fait faire à son temps, écrit Pierre Francastel, en 1950, dans Peinture et société. C'est parce qu'il ne pouvait pas se contenter de creuser les problèmes en les approfondissant par la méditation et la réflexion comme Cézanne – qui fut presque l'homme d'un paysage – que sa destinée a été orientée. Il a couru aux antipodes faute de trouver chez nous un aliment pour son génie. […] Gauguin le premier a été l'homme qui a élargi nos horizons non pas seulement sentimentaux mais figuratifs. Il occupe de ce point de vue une place unique dans l'histoire des transformations de l'espace moderne. Il est le héros du rapprochement des civilisations. Il a donc, avant tout, matériellement brisé les cadres de l'ancien espace. Si l'on peut rêver aujourd'hui d'une civilisation fondée sur un nouvel humanisme, ce n'est certainement pas en pensant à de vaines nostalgies, mais à un effort concret de l'homme pour mieux saisir les conditions permanentes de sa destinée."
Francastel ajoute : "La suggestion incontestable qu'éprouvent tous ceux qui regardent les Gauguin est le produit non d'un miracle de sensibilité, mais d'un miracle d'art. Ce n'est pas l'émotion de Gauguin qui l'a fait peintre, c'est sa puissance à exprimer, c'est-à-dire à préciser et à matérialiser un certain nombre de détails précis plastiquement ordonnés (3)."
Damien Hirst est sans doute sensible, comme beaucoup de monde : "Mr. Hirst said he became fascinated with childbirth after having children of his own." (4) A-t-il pour autant en quoi que ce soit élargi nos horizons figuratifs ?
Notes