Un poète lyrique

Un poète lyrique est une nouvelle de José Maria de Eça de Queirós (1).

Le narrateur se rend à Londres et s’installe à l’hôtel Charing-Cross. Il y rencontre le poète grec Korriscosso, devenu serveur, qui lui raconte sa vie et lui confie sa passion pour Fanny, qui travaille dans le même hôtel mais ne l’aime pas : "Pobre Korriscosso! Se ele ao menos a pudesse comover... Mas quê! Ela despreza-lhe o corpo de tísico triste; e a alma não lha compreende... Não que Fanny seja inacessível a sentimentos ardentes, expressos em linguagem melodiosa. Mas Korriscosso só pode escrever as suas elegias na sua língua materna… E Fanny não compreende grego… E Korriscosso é só um grande homem – em grego!" ("Mais Korriscosso ne peut écrire ses élégies que dans sa langue maternelle… Et Fanny ne comprend pas le grec… Et Korriscosso n’est un grand homme – qu’en grec !")

"Kafka was inside the German language as is a traveler in a hotel", écrit George Steiner (2). Il ajoute : "We can read Kafka’s last story, “The Burrow,” as a parade of estrangement, of the artist unhoused in his language. However much he seeks to guard himself within the mastered intimacy of his craft, the haunted builder knows that there is a rift in the wall, the “outside” is waiting to pounce (geborgen and verborgen express the deep linguistic kinship between being safely at home and safely hidden)." (3)

Dans cette nouvelle de Kafka, le narrateur rêve de sécurité (linguistique ?), mais sa maison n’est pas parfaite : "Le formidable travail qu’elle m’a coûté n’est pas en rapport avec la sécurité effective qu’elle me procure." Un jour, il entend du bruit : "Il vient quelqu’un." (4)

Notes

1. Écrivain portugais, francophile, Eça de Queirós meurt à Neuilly en 1900. Cette nouvelle est parue sous le titre Um Poeta Lírico, en 1880. Elle a été traduite en français et publiée dans Contes et nouvelles, La Différence, 2008. Lire la nouvelle (en portugais). En 2009, Manoel de Oliveira a adapté au cinéma une autre nouvelle de Eça de Queirós, Singularités d'une jeune fille blonde.
2. George Steiner, Language and Silence, Yale University Press, 1998, p. 126.
3. "Kafka’s linguistic situation was precarious", écrit George Steiner. "The condition of the German-speaking Jewish minority in Prague enforced a characteristic sense of isolation and labyrinthine complexity. Kafka’s German grated on Czech ears; often he felt guilty because he was not using his talent toward the renascence of Czech literature and national consciousness, and that guilt is poignant in the encounter with Milena." (Montaigne écrit à propos du français : "C'est aux bons et utiles escrits de le clouer à eux, et ira son credit selon la fortune de nostre estat.") George Steiner ajoute : "Yet at the same time his Jewishness affronted the rising pressure of German nationalism. Kafka noted wryly that the German spoken by students and businessmen who came to Prague from Germany was alien to his own, that it was, inevitably, “the language of enemies."" (p. 124)
4. La mort, bien sûr. Le Terrier, Œuvres complètes, La Pléiade, Gallimard, 1980.