GPA

En Chine, le marché illégal des mères porteuses est en plein essor (1). Selon certaines sources, il produirait plus de 10 000 naissances par an. L'obligation d'avoir des enfants, une hausse de l'infertilité, l'assouplissement de la politique de l'enfant unique, tous ces facteurs combinés y contribuent.

Pour 240 000 $, vous avez un bébé, garçon ou fille, au choix, avec votre ADN. Les mères porteuses, qui ont déjà eu des enfants de préférence, sont placées à l'isolement, sous surveillance, pendant tout le temps de la grossesse. Elles n'ont pas le droit de voir leur famille et leurs enfants. Elles leur cacheront la vérité. La compagnie emploie des femmes pour leur rendre visite tous les jours afin de s'assurer qu'elles ne s'attachent pas à l'enfant qu'elles portent. M. Huang, qui est à la tête de cette "entreprise", précise : "Nos agents leur disent tous les jours que ça n'est pas leur bébé." On dira que c'est pour leur bien… ou l'on parlera de lavage de cerveau, c'est selon. Une femme témoigne : "J'ai hâte que ça se termine. Je pourrai enfin rentrer chez moi. Après tout, ça n'est pas mon enfant."

Cela en fait des "mères mortes", au sens où André Green l'entendait, mais mécaniquement, contractuellement, à moins de supposer qu'il ne se passe rien pendant le temps long de la gestation (2).

"Il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'une femme est un être humain", écrit Sylviane Agacinski, dans Corps en miettes (3).

Notes

1. "Illicit market in child surrogacy booms in China", International New York Times, 04/08/14 (version en ligne).
2. Dans "La mère morte", André Green a montré que quand une mère était pour l'enfant dont elle prenait soin morte psychiquement, c'était une catastrophe. Mais pour une mère qui porte un enfant, cette question ne se pose-t-elle pas aussi ? Les mères porteuses elles, il est vrai, disparaissent après la naissance. Elles se volatilisent. Cf. Narcissisme de vie. Narcissisme de mort, Les Éditions de Minuit, 1983, p. 222-253.
3. Flammarion, 2009.