État des lieux

La tendance au cloisonnement reste forte. Les propositions que j'ai évoquées sont assez peu intégrées actuellement dans la formation des enseignants, où que ce soit. Les questions se posent généralement plutôt en termes de continuité entre le primaire et le secondaire. Mais l'idée semble faire son chemin qu'il faudrait peut-être modifier les représentations que l'on a des rapports entre les langues.

Quand un enseignant qui n’est pas nécessairement qualifié pour enseigner telle langue étrangère dans sa formation initiale le fait quand même au niveau du primaire, faut-il en tenir compte ou considérer que cela ne vaut rien ? Il me semble que cette dimension horizontale, transversale, n'est pas suffisamment prise en compte par rapport à la dimension de continuité, de verticalité dans les apprentissages.

"En Europe, les modèles d'immersion totale
semblent primer sur les modèles d'alternance des langues."

S’agissant des formes d’enseignement bilingue, la situation en Europe est très diverse. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, on allait parfois jusqu’à consacrer une année entière à l’apprentissage de la langue, avant de passer à l’enseignement d'une ou de plusieurs disciplines dans cette langue. Les expériences que l’on mène aujourd’hui sont beaucoup plus légères, dans les classes européennes notamment. On peut penser que ce système tend très massivement à renforcer la position des langues dominantes (1).

Au niveau européen, les modèles CLIL (2), à dominante anglophone, d’immersion totale, semblent primer sur les modèles d’alternance des langues, tels qu'ils peuvent exister dans le Val d’Aoste, par exemple, où les deux langues sont utilisées en alternance, chez les élèves comme chez les enseignants, pour la construction des mêmes connaissances disciplinaires.

Notes

1. Michel Candelier, il y a une dizaine d'années, prévoyait que l'introduction d'une langue au niveau du primaire renforcerait la position de l'anglais et que l'enseignement bilingue ne pourrait se faire qu'en fin de parcours. On aboutit ainsi à un renforcement des positions les plus fortes sur le marché des langues.
2. C'est le sigle en anglais CLIL (Content and Language Integrated Learning) qui est passé dans les usages en Europe, le modèle dominant semble bien être le modèle anglophone. En français : Enseignement d'une matière par l'intégration d'une langue étrangère (EMILE).